Aujourd’hui, je vais vous raconter la fête de Pâques version orthodoxe que j’ai passé cette année dans le village de Donja Trnava (et oui, encore lui). Mais, tout d’abord, un petit rappel sur la différence des dates pour les fêtes religieuses entre calendrier grégorien et calendrier julien (et rendez-vous directement au paragraphe en-dessous si vous souhaitez passer les explications techniques) :
Comme nous l’avons déjà remarqué avec les fêtes de fin d’année dans l’article sur Kolyada, le Noël biélorusse, les célébrations religieuses sont décalées entre les Chrétiens orthodoxes et les Chrétiens catholiques. Ainsi, le Noël catholique a lieu le 25 décembre, suivant le calendrier grégorien, qui est celui utilisé dans la vie courante et adopté au 16e siècle sous l’impulsion du Pape de l’époque (dont je vous laisse deviner le nom). Le Noël orthodoxe, lui, a lieu aujourd’hui le 7 janvier, suivant le calendrier julien, qui date de Jules César – mais tombera le 8 janvier à partir de l’année 2100, attention à ne pas vous tromper sur vos agendas ! En effet, le décalage entre le calendrier grégorien et le calendrier julien s’agrandit de trois jours tous les quatre siècles environ, pour des raisons d’années bissextiles, qui tombent chaque année divisible par 4 dans le calendrier julien, et chaque année divisible par 4 dans le calendrier grégorien sauf les années séculaires (c’est-à-dire celles qui terminent par deux zéros) qui elles doivent être divisibles par 400. Donc, 1700, c’est divisible par 4 mais pas par 400, donc, l’année 1700, est bissextile pour les juliens, mais pas pour les grégoriens. Alors que l’année 2000 est bissextile pour tout le monde. On en apprend des choses aujourd’hui, pas vrai ? Jusque là, c’est encore assez simple, car on parlait de Noël, et Noël ça tombe à une date fixe. Mais lorsqu’il s’agit de Pâques, alors là, mes amis, accrochez-vous car ça se complique (mon Dieu, qui aurait cru qu’un truc aussi simple que le calendrier pouvait devenir aussi difficile à comprendre ?). D’abord, c’est quand, Pâques ? Et bien ça change chaque année. La règle est la suivante : Pâques, c’est le premier dimanche après la première pleine lune de printemps. Mais c’est quand le Printemps ? Et c’est quand la pleine lune ?
Le Printemps, c’est le 21 mars. Pourquoi ? Et bien, c’est une décision prise il y a très longtemps, en 325, au concile de Nicée (quand il n’y avait pas encore de « nouveau » calendrier grégorien) et suivant l’équinoxe (même durée de jour et de nuit), de cette année là (oui parce-que ça a bougé après mais ça c’est pas grave), ce qui donnerait donc le 3 avril aujourd’hui (si on reportait ça en calendrier grégorien).
La pleine lune, c’est au bout de 14 jours d’une nouvelle lune. Donc si Pâques catholique tombe, par exemple, le 30 mars, les orthodoxes considèrent que ce n’est pas encore le printemps (puisque du coup le printemps n’arrivent que le 3 avril, soit le 21 mars julien), et doivent donc attendre la prochaine pleine lune.
Mais trêve de billevesées, je ne vous expliquerai pas qu’en plus de tout ce bazar, le calcul de l’arrivée des pleines lunes est réalisé avec des méthodes différentes, ce qui a pour résultat, que la pleine lune qui sert à calculer Pâques, c’est pas du tout la vraie pleine lune, mais une projection, histoire de pouvoir s’organiser à l’avance. Mais là, je vous renvoie à ce petit site, qui vous expliquera tout ce bazar mieux que moi. 🙂
En 2019, dans les pays orthodoxes, tels que la Serbie, Pâques a été fêtée une semaine après notre traditionnelle chasse aux œufs en chocolat. Et ici, d’ailleurs, pas question de friandises sucrées : pour Pâques, on mange de vrais œufs, bien cuits et bien décorés. Mais commençons par le commencement.
La célébration de Pâques débute le « Gros vendredi » (transcription littérale de Veliki Petak, bien sûr on dirait plutôt Vendredi Saint, mais je trouve que Gros Vendredi ça sonne bien), qui est censé être un jour de jeûne. Pour la Serbie, jeûner ça veut surtout dire qu’il ne faut pas manger de viande, mais seulement du poisson, ce qui peut s’avérer très délicat pour certains locaux, même pour une seule journée ! Les Serbes sont en effet connus pour apprécier les barbecues en tous genres, et sont très fiers de leur capacité à se nourrir exclusivement de viande (en tous cas ceux que je connais). C’est pourquoi, le jour du Gros Vendredi, on mange du poisson, évidemment – mais souvent également une bonne brochette de viande, surtout si on est pas très croyant. Est ce que ça compte quand même ? Je ne sais pas. Mais bon. Ce qui est sur c’est que c’est врло укусно 🙂


Le vendredi, donc, nous partons dans la montagne acheter nos poissons à un petit monsieur qui possède des bassins artificiels pleins de truites, pêchées directement à la caisse. Il nous les choisis, les laissent mourir au soleil pendant quelques longues vingt minutes, les nettoient, les rincent, et les vident de leurs organes aux ciseaux. Evidemment, un ou deux petits coups de rakija fait maison, nous sont proposés en attendant, qu’on accepte avec joie. Après tout, c’est Pâques, et Pâques, ça se fête !


Nos emplettes complétées, et un petit arrêt dans une piscine naturelle plus tard, nous ramenons notre butin dans le territoire de Kobraland. Vous vous rappelez de Kobraland ? Je vous en avait parlé il n’y a pas si longtemps. Un endroit merveilleux que je vous recommande chaudement. Nous faisons le feu, préparons le barbecue, observons sagement les recettes de marinade du grand chef Aca. Et vers 16 heures, déjà un peu pompettes (ben oui, quand on cuisine, quelques bières et un peu de rakija ne sont jamais de refus), nous nous mettons à table. Partager un bon repas en famille et entre amis, autour d’une grande table dans le magnifique jardin de Kobra, rien de mieux pour terminer une belle après midi ensoleillée. Sauf que, oups, le temps passe, et il est déjà temps d’aller assister à la messe de Pâques ! Vite, vite, nous prenons les voitures, un peu en retard, afin de ne pas manquer LE moment de la messe de Pâques serbe : la procession. Chaque personne, équipée d’un petit cierge allumé, est invitée à sortir de l’église et à en faire le tour trois fois au son des cloches et en suivant les prières du prêtre. Vu qu’on est un peu saouls, j’avoue qu’on à l’air un peu bête, on a la cire qui nous dégouline sur les chaussures, on ricane, n’empêche qu’on s’exécute et que le moment, finalement, ne manque pas d’émotions ou de spiritualité.
La procession passée, et comme il n’est pas possible de s’asseoir dans les églises orthodoxes, la fatigue dans les jambes se fait rapidement sentir. Nous décidons donc de retourner à notre tablée. Et puis, le reste du barbecue nous attend. Finalement, la soirée se termine bien tard, au coin du feu, avec quelques bières. On se raconte des histoires, on se fait des blagues, jusqu’à ce que le sommeil arrive…
Deuxième étape de la Pâques orthodoxe, et pas des moindres : les œufs. Comme je vous le disais, ici, pas d’œuf en chocolat et d’histoire étrange de lapin de Pâques qui viendrait cacher ses œufs. En Serbie, on parle de vrais œufs venus de vraies poules. Et ces œufs, il faut les décorer. Pour cela, voici la recette :
Vous aurez besoin de : peinture à dissoudre dans l’eau, d’une casserole, des œufs, des petites feuilles type trèfle, des pelures d’oignons, des paires de collants, des filets à fruits et légumes, et pourquoi pas un peu de vernis ou de cire (drôles d’ingrédients, me direz-vous, j’en conviens)


Méthode à suivre : 1) Placer des petites feuilles mignonnes sur vos œufs crus 2) les recouvrir de pelures d’oignons, avec possibilité de les imbiber d’eau afin qu’elles adhèrent mieux aux coquilles 3) placer le tout dans un collant, bien serré, faire un nœud à l’aide d’une ficelle 4) Répétez l’opération jusqu’à ce que le collant soit rempli 5) Plonger le tout dans l’eau bouillante avec la peinture en poudre de la couleur de votre choix 6) Laisser cuire une dizaine de minutes 7) Regarder le résultat !
Malheureusement, nous avons un peu échoué dans la réalisation de jolis œufs, et ce malgré les conseils experts de Zoritsa. La première fois, c’est toujours un peu compliqué de réussir, apparemment. Mais, nous restons malgré tout fiers de nos oeufs, notamment ceux décorés aux vernis avec nos propres portraits 🙂




Toute cette opération a lieu normalement le vendredi soir, mais nous avons fait ça le samedi. Le samedi, dans la journée, d’autres plus aventuriers sont aussi allés tuer un cochon et le préparer pour le repas du dimanche. Personnellement, j’ai préféré aller avec Saša au bazar de Niš, dénicher – oh oh oh – des merveilles !

Enfin, le dimanche, c’est l’étape finale de la Pâques orthodoxe, et pas des moindres : le repas en famille. Dès le matin, on se souhaite « Hristos Voskrese », ce qui signifie ‘le Christ Ressuscité’ (oui, c’est sympa, dès le matin, de parler de résurrection) et on se répond « Vaistinu Voskrese », c’est à dire ‘Il est ressuscité’, histoire de bien confirmer l’information. Ensuite, nous prenons soin d’échanger nos œufs avec ceux des voisins, car il est de coutume de donner autant d’œufs réalisés à nos voisins que de personnes dans leur maison, et inversement. Nous recevons donc cinq œufs réussis, et nous en donnons quatre… disons… moins réussis : on gagne au change. Enfin, tout cela n’a pas grande importance de toutes façons, car après le repas du midi, si vous n’êtes pas tout à fait inapte au mouvement du fait de la trop grande quantité de nourriture ingurgitée, se déroule encore une activité qui ruinera tous vos efforts en matière décorative : le combat d’œufs.
Et oui, vous avez beau avoir passé des heures à essayer de décorer vos œufs, que ce soit avec plus ou moins de succès, qu’il faut dès le lendemain les sacrifier sur l’autel des traditions. Armé de votre œuf, vous irez combattre en duel un autre détenteur d’œuf : le premier qui se fait briser la coquille a perdu. Et celui avec la coquille intacte aura certainement beaucoup de chance pour l’année à venir. Autant vous dire que moi je me suis fait casser ma coquille à chaque fois (mais je les soupçonne d’avoir triché pour m’embêter…). Et après ? Ben après y a plus qu’à manger votre œuf.

N’oubliez pas de conserver un des œufs, de couleur rouge, et de le placer quelque part dans votre maison pour la protéger. Essayez de ne pas le poser dans un endroit trop étrange, car même si vous êtes censés le garder jusqu’à la prochaine Pâques, il se peut que l’odeur vous incite à l’y en déloger après quelques semaines.
Le récit d’une Pâques orthodoxe serbe fort bien réussie se termine ici ! Merci à la famille Stojiljkovic et à tous ceux que j’ai croisé pour votre accueil et votre gentillesse.
PS : Attention quand vous faîtes un barbecue, car, dim ide na budalu !
Vidimo se bientôt ! 🙂
Une réflexion sur “Pâques orthodoxe en Serbie : le Christ est ressuscité !”