Pour fêter le 6ème article de la thématique « Merci Bakou ! », je vous propose une sélection de 5 livres (et même plus) à lire avant de venir en Azerbaïdjan (ou pendant, ou après votre séjour hein). Ces œuvres vous donneront non seulement, je l’espère, quelques clés pour mieux comprendre ce beau pays (et dans un certaine mesure cette belle région) ; mais également plaisir à lire grâce à des récits d’aventures, parfois rocambolesques, en tous cas peu monotones. C’est parti !
1) Ali et Nino de Kurban Saïd
Ali et Nino, c’est un peu le Roméo et Juliette version Caucase : une histoire d’amour mythique, rendue impossible par un contexte historique (et non social comme dans le récit de Shakespeare) qui donnera à ses héros du fil à retordre pour un dénouement… Que je vous laisse découvrir 🙂 C’est vraiment un livre que j’ai trouvé passionnant du début à la fin et qui décrit très bien le quotidien, les mœurs et les événements du début du 20ème siècle dans la région. En plus, le mystère règne sur son auteur : Kurban Said est un pseudonyme, et, alors que Ali et Nino est publié pour la première fois en 1937, le doute persiste encore sur sa véritable identité. Intriguant, n’est ce pas ?
L’obscurité s’étendait sur notre ville qui ressemblait à un animal aux aguets, prêt à bondir et à jouer. C’étaient en vérité deux villes, l’une était dans l’autre comme la noix dans sa coquille. La coquille était la ville nouvelle, en dehors des anciennes fortifications. Les rues y étaient larges, les maisons hautes, les hommes cupides et bruyants. Cette ville était née du pétrole venant de notre désert et qui nous apporte la richesse. Là se trouvaient les théâtres, les écoles, les bibliothèques, les policiers et les belles femmes aux épaules nues. Quand il y avait des coups de feu dans la ville nouvelle, c’était uniquement à cause de l’argent. Là commençait la frontière de l’Europe. Nino vivait dans la ville nouvelle.
2) Le Flambeur de la Caspienne de Jean-Christophe Rufin
Un livre court, simple, une enquête menée par un total anti-héros, le tout dans un décor d’ambassade française en Azerbaïdjan, voici ce qui pourrait résumer le livre de Jean-Christophe Rufin, un écrivain lui-même ancien diplomate. C’est un livre que j’ai lu juste avant de venir à Bakou et dont la première page m’a tout de suite fait comprendre que j’allais apprécier ma vie sur place… Avant d’en découvrir également les aventures périlleuses qui, heureusement, n’ont pas fait partie de mon séjour !
Tout était trop parfait et Aurel, habitué à la méchanceté des hommes, n’osait pas croire à son bonheur.
Il était arrivé la veille au soir pour prendre son nouveau poste et voilà que ce matin, il était attablé à la terrasse d’un café, un vrai café tout pareil à ceux de France ou d’Italie, avec son store rouge, ses chaises en osier, ses tables rondes à pied en fonte. Dans une tasse en porcelaine épaisse moussait un double crème tandis que de l’intérieur de l’établissement venaient de bonnes odeurs d’arabica moulu et de viennoiseries. Des serveurs en tablier blanc et gilet à poches bavardaient avec des airs insolents. Les grands arbres d’un joli square bruissaient dans le vent tiède et, au loin, on apercevait la colonnade néoclassique du théâtre des marionnettes.
3) Jours Caucasiens de Banine
Banine est une autrice à la vie mouvementée, qui raconte son histoire à la première personne et en français, puisqu’elle quitte Bakou dans sa jeunesse suite à la révolution bolchévique pour s’installer en France (après plusieurs péripéties) où elle a côtoyé de nombreux artistes avant de devenir, elle-même, écrivaine. Jours Caucasiens est un livre parfait dans son imperfection, désormais presque introuvable dans sa version française (allez faire un tour à la Médiathèque de Bakou !), qui vous dévoilera sans faux-semblant le destin de la petite-fille d’un « baron du pétrole et, au-delà, de toute son époque.
A l’encontre de certaines personnes dignes, nées dans des familles pauvres mais « bien », je suis née dans une famille pas « bien » du tout, mais très riche. Si riche même que cela en serait un scandale n’était le fait déplorable, mais juste, qu’elle a cessé de l’être depuis de longues années déjà. « Et pourquoi n’était-elle pas « bien » ? » me demandera-t-on peut-être gentiment, car cela supposerait de l’intérêt pour ma personne. Eh bien, parce que, d’une part, elle ne peut pas faire remonter sa lignée d’ancêtres qu’à mon arrière-grand-père qui portait le joli nom d’Assadoullah, ce qui veut dire « aimé d’Allah » ; nom prédestiné puisque, né paysan, mon aïeul mourut millionnaire grâce au pétrole jailli de son champ parsemé de cailloux parmi lesquels broutaient – on ne sait pas quoi – des moutons. Et que, d’autre part, ma famille comprenait des membres extrêmement louches, sur l’activité desquels il serait préférable de ne pas s’étendre. Si je parviens au cours de ce récit à m’échauffer, je parlerai peut-être plus longuement de leurs personnes, chose que je désire en tant qu’auteur mais réprouve en tant que dépositaire d’un infime reste d’orgueil familial.
4) Derniers jours à Bakou d’Olivier Rolin
Je me rappelle aller dans différentes librairies parisiennes avant mon départ à Bakou et demander s’ils avaient quelque chose en lien avec l’Azerbaïdjan et le Caucase. La plupart des libraires m’ont fait des yeux ronds, sauf un qui m’a conseillé cet ouvrage d’Olivier Rolin : un récit un peu bizarre, ni vraiment roman, ni vraiment autobiographique, mais qui a le mérite de dépeindre à la perfection les paysages parfois étonnant du Bakou (et même du Turkménistan !) moderne avec poésie et images à l’appui.
Chaque soir, à l’heure où les hirondelles tourbillonnent dans le ciel mauve, un homme aux cheveux gris franchit la porte d’un petit hôtel de la rue Mirza Mansûr, tourne à droite dans Harb, puis à gauche dans Sabir, que surplombent de beaux balcons de bois parfois entortillés d’une vigne, pavoisés de linge. Tombé d’un minaret proche du palais des Shirvanshahs, l’appel d’un muezzin suspend dans l’air de frêles festons sonores – si discret, presque plaintif, qu’il en devient émouvant. Le Dieu qu’invoque cette voix de violoncelle n’a pas l’air terrible, on l’inviterait bien au restau, justement on dîne seul ce soir – comme tant d’autres soirs. Les feuilles de figuiers plaquent des mains vertes, tremblantes, sur le ciel. Autour de Kiçik Qala on décroche des murs les tapis aux couleurs et aux rythmes de vitrail.
5) Claudius Bombarnac de Jules Verne
C’est le dernier livre que j’ai lu en 2022 et j’attendais de le terminer pour enfin pouvoir publier cet article ! Car comment conseiller des ouvrages sur le Caucase sans intégrer la plus grande aventure de Jules Verne dans la région : de Tiflis (aujourd’hui Tbilissi) à Tachkent, à bord des trains Transcaucasien et Transcaspien. L’auteur se serait inspiré pour son histoire du voyage effectué par Paul Nadar, le fils de son ami photographe Félix Nadar, qui a suivi le même trajet en 1890. Dépaysement garanti ! Et en plus il est disponible dans son intégralité en ligne 🙂
« Claudius Bombarnac reporter XXe Siècle – Tiflis (Transcaucasie)
Telle est la suscription de la dépêche que je trouvai le 13 mai, en arrivant à Tiflis.
Voici le texte de cette dépêche :Toute affaire cessante à la date du 15 courant Claudius Bombarnac se trouvera au port Ouzoun-Ada littoral est de Caspienne. Là prendra train direct Grand-Transasiatique entre frontière Europe et capitale Céleste-Empire Devra transmettre impressions sous forme chroniques interviewer personnages marquants rencontrés sur parcours signaler moindres incidents par lettres ou télégrammes suivant nécessités de bon reportage.
XXe Siècle compte sur zèle intelligence activité adresse de son correspondant auquel il ouvre crédit illimité.
Or, c’était le matin même que je venais d’arriver à Tiflis, ayant l’intention d’y passer trois semaines, puis de visiter les provinces de la Géorgie pour le profit de mon journal, et, je l’espérais, pour celui de ses lecteurs.
Voilà les inattendus, les aléas de l’existence d’un reporter ambulant !
À cette époque, les railways russes étaient reliés à la ligne géorgienne de Poti-Tiflis-Bakou. Après un long et intéressant trajet à travers les provinces de la Russie méridionale, j’avais franchi le Caucase et je comptais bien me reposer dans la capitale de la Transcaucasie…
Bonus : les livres à lire que je n’ai pas lu



Malgré toutes mes recherches et mon engagement, il y a certains ouvrages que je n’ai pas eu le temps, l’occasion ou le courage de lire pendant mon séjour, mais je souhaitais quand même les mentionner dans mon article au cas où vous, chers lecteurs, seriez prêts à le faire.
Je n’ai pas eu le temps de me procurer puis de lire l’ouvrage L’orientaliste : l’énigme résolue d’une vie étrange et dangereuse, de Tom Reiss, qui a apparemment enquêté sur la véritable identité de l’auteur d’Ali et Nino dont je vous parlais en début d’article.
Je n’ai pas eu l’occasion de me procurer puis de lire l’oeuvre collective Nouvelles nouvelles d’Azerbaïdjan qui a réuni huit auteurs et autrices pour qu’ils racontent chacun une histoire avec, pour décor, l’Azerbaïdjan.
Je n’ai pas eu le courage (et je ne l’aurai sûrement jamais) de me procurer puis de lire le récit de Voyage au Caucase d’Alexandre Dumas père qui contient pourtant mille détails sur la vie dans la région et ce notamment dans les zones plus montagneuses du pays.
J’espère que cet article vous a plu et vous aura inspiré de nouvelles lectures ! Et vous, quels livres recommanderiez vous pour découvrir l’Azerbaïdjan et le Caucase ? Vous en connaissez d’autres ? 🌞