Aaah le Nakhitchevan ! Ses paysages, son air pur et ses autoroutes de centre-ville ! Quel plaisir de fouler cette terre, si proche et pourtant si loin de Bakou, après en avoir tant entendu parler. Entourée de mystères, mais également de l’Arménie, de l’Iran et d’un tout petit bout de Turquie, j’avais presque perdu tout espoir de m’y rendre un jour. Alors, quand un groupe de vaillants aventuriers s’est formé pour aller explorer cette région encore inconnue de nos sens (et des sens de beaucoup de gens je pense), j’ai saisi cette opportunité sans hésiter.

Car, en effet, si vous n’êtes jamais venu en Azerbaïdjan, il est peu probable que vous ayez déjà entendu parler du Nakhitchevan (en azerbaïdjanais : « Naxçıvan » à prononcer « Nartchévan« ). Cette région azerbaïdjanaise est particulière pour plusieurs raisons.
Tout d’abord car, comme c’est indiqué dans le titre, le Nakhitchevan est une exclave, c’est à dire une partie du territoire national située en dehors de ce dernier, sans y être reliée. Il en existe quelques-unes que nous connaissons bien, par exemple la Guyane française peut être considérée comme une exclave car il faut traverser l’océan et donc les eaux internationales pour la rejoindre. Une autre exclave plus similaire à la situation du Nakhitchevan serait Kaliningrad, ce petit morceau de Russie qui continue d’exister, encerclé par l’espace Schengen. Les exclaves posent problème aux pays car il faut négocier le transports d’hommes et de marchandises avec des voisins pas toujours très conciliants. C’est le cas du Nakhitchevan qui, entouré par l’Iran et surtout par l’Arménie, se retrouve de fait assez isolée du territoire azerbaïdjanais principal. Preuve en est que la seule façon de vous rendre au Nakhitchevan est, jusqu’à présent, l’avion ! Heureusement les connections sont nombreuses et bon marché donc vous n’aurez pas de mal à vous y rendre depuis Bakou, voire depuis la Turquie 🙂
Ensuite, le Nakhitchevan est une région autonome. En effet, la région a connu de nombreux soubresauts dans son histoire, sous domination iranienne, ottomane, russe puis soviétique. Elle devient en 1921 sur ordre de Staline une région soviétique autonome, rattachée à l’Azerbaïdjan. Malgré la fin de l’URSS dans les années 1990, le statut de l’exclave n’a pas été modifié et reste particulier même si je ne peux pas vous détailler tous les tenants et aboutissants de cette législation.
Enfin, le Nakhitchevan est une terre promise et sacrée. Et oui ! Elle a vu naître les plus grands de ce monde, que dis-je, LE plus grand ! Monsieur Heydar Aliyev, père de la nation azerbaïdjanaise. La région se doit donc d’être exemplaire sur bien des niveaux en tant que modèle à suivre et havre de paix et reçoit de nombreux investissements gouvernementaux en ce sens.

De par toutes ces particularités, le Nakhitchevan ne peut donc être qu’un endroit intéressant et nous avions tous hâte de découvrir ce que ce nouveau territoire avait à offrir.
- Jour 0 – C’est parti pour l’aventure !

Afin de profiter un maximum de notre séjour, nous avons profité d’un week-end de 3 jours et opté pour un départ le vendredi soir après le travail. Je pense que c’est la durée idéale pour visiter le Nakhitchevan, sauf à s’aventurer dans les villages de montagne où dans ce cas, il faudrait prévoir plus de temps. A savoir, au Nakhitchevan, il fait très froid en hiver et très chaud en été. Étant partis un 15 août, autant vous dire que c’était le pire moment pour y aller, mais bon, que voulez vous, c’était aussi notre seule option. L’avion pour le Nakhitchevan se prend à l’aéroport de Bakou, dans le terminal sur votre gauche quand vous arrivez, en forme de coupole géante qui brille, dédié aux vols internes (donc à priori seulement Gandja et Nakhitchevan-city). Tout fonctionne assez facilement et les vols sont à l’heure. A l’arrivée, on trouve un taxi qui nous emmène pour 10 manats seulement jusqu’à notre hôtel, le « Grand Nakhchivan Hotel » qui est relativement OK. Fin du jour zéro.
- Jour 1 – A la découverte de Nakhitchevan–city
Après une bonne nuit de sommeil et un petit déjeuner ma foi correct, c’est parti pour l’aventure et la découverte ! Ça tombe bien, notre première visite est juste à côté de l’hôtel : le Mausolée de Noah. Très joli, rénové certainement récemment, mais malheureusement fermé et sans indication. Ce qui s’apparente à une mosquée géante est en cours de construction juste à côté. Et, au loin, une sorte de forteresse nous fait de l’œil : la balade autour des remparts vous donnera un panorama de la ville où le vide semble régner ; le musée contient des artefacts plus ou moins anciens retrouvés dans les environs.









Suite à cette visite on décide de se diriger à pieds vers le centre, sous 150 000 degrés de soleil, accentués par la réverbération des rayons sur l’immensité des trottoirs et des routes. Les ladas ont l’air encore plus petites ici que les routes sont immenses et, il faut l’avouer, un peu désertées. Le long de cette petite marche, nous faisons plusieurs escales : le Mausolée de Momine Khatun, lui aussi fermé ; le marché aux légumes et autres choses ; et une pause déjeuner bien méritée.








Une fois sustentés, on décide de découvrir l’une des principales attractions de la ville, le bijou de Nakhitchevan-city, j’ai nommé, bien évidemment, le musée dédié à Heydar Aliyev, père de la nation. Dans ce bâtiment majestueux, une collection d’objets ayant appartenu au grand leader ainsi que de nombreux souvenirs de sa vie sont exposés, le tout présentés d’une façon assez lunaire par une jeune guide toute mignonne qui parle même anglais. A ne surtout pas manquer ! Juste à côté du musée Heydar Aliyev, vous trouverez (ou pas d’ailleurs, car en vrai c’est quasiment impossible de le repérer) le musée du tapis du Nakhitchevan. Moins imposant que son cousin bakinois, il présente quelques belles pièces qu’il est intéressant de découvrir. Malheureusement, pas de guide anglophone cette fois, et aucun magasin de souvenirs à l’horizon.







On termine la soirée au restaurant panoramique de l’hôtel Tebriz d’où nous avons une vue imprenable sur la ville. On est les seuls clients de 18h à 21h environ et nous sommes à de nombreuses reprises un peu perdus en terme de communication avec notre serveur, ce qui ne nous empêche pas de profiter d’un apéritif 100% azerbaidjanais (fromage frits et fumés au citron, dushbere frits à la mayonnaise… Et bien sur, de la bière du Nakhitchevan). Pour information, les « souvenirs » disponibles à l’accueil de l’hôtel sont probablement les seuls que vous verrez lors de votre séjour dans ce territoire autonome : ils sont un peu vieux mais bon…


- Jour 2 – Cap à l’est vers Ordubad !
La deuxième journée est de loin la plus chargée en terme d’aventures et de visites. On fait appel à Abulfez, le chauffeur de taxi qui nous avait déposé à l’hôtel dès notre arrivée à l’aéroport. Un conseil : quand vous rencontrez un chauffeur sympathique et qui vous fait payer un prix à peu près normal, gardez-le ! Il n’y a rien de pire que de devoir négocier chaque étape d’un voyage, surtout quand on est un groupe et que tout le monde n’a pas la même philosophie sur la « taxe touriste » bien souvent imposée aux visiteurs. Premier arrêt dans la matinée : la Grotte des 7 Dormants. Derrière cette curieuse appellation se cache un lieu de pèlerinage assez impressionnant, creusé à même la montagne et où de nombreux Azerbaïdjanais viennent se recueillir et y passer une journée en famille. Un endroit qu’on a failli manquer car les photos sur internet ne lui rendent pas grand hommage, mais, sur le conseil de notre chauffeur (merci Abulfez !), on a décidé d’aller y faire un tour quand même, et grand bien nous en a fait. L’ascension des grottes est assez sportive mais la balade en ce début de matinée reste très agréable.






Deuxième étape de la journée : Ordubad, la grande ville de l’Est nakhitchévanais. La route prend environ une heure trente et longe à certains moments la frontière avec l’Iran, le long de la rivière Araz. A Ordubad, vous pouvez visiter quelques mausolées, manger au restaurant familial à l’entrée de la ville, et puis surtout déambuler. Les étrangers ne passent pas inaperçus !



















On reprend ensuite la même route pour revenir à la capitale et on s’arrête en chemin pour notre dernière excursion de la journée, et pas des moindres : la Forteresse Alinja, véritable bijou du Nakhitchevan. Caché dans la montagne, ce monument surnommé le « Machu Picchu du Caucase » (bon, c’est peut-être un peu exagéré mais l’idée est là) est en réalité une reconstruction récente à l’emplacement de l’ancienne forteresse médiévale. C’est vraiment LE site à découvrir au Nakhitchevan et donc à ne manquer sous aucun prétexte, même si, comme on est le 14 août, et que, comme indiqué précédemment, il fait très chaud dans cette région en été, on manque de mourir de déshydratation lors de la marche qui nous mènera jusqu’au sommet (1500 marches quand même). Prévoyez donc bien de l’eau en quantité suffisante car même en fin d’après-midi, on aurait bien pu mourir à Alinja comme le personnage du roman de Jean-Christophe Rufin ! Enfin, si c’est possible, je vous conseille d’y aller pour le lever ou le coucher du soleil qui donne à la montagne des couleurs plutôt pas mal.






Le soir, repos bien mérité sur la « Plaza Mayor » nakhitchévanaise, la fameuse Place de l’Horloge située juste derrière notre hôtel. Vous y trouverez de nombreux restaurants « chics » (selon les standards locaux) et adaptés au goût occidental (il y a même un pub !) pour un dîner sans trop de difficulté.


- Jour 3 – Lac Batabat et préparation au départ
Troisième et dernier jour d’exploration de l’exclave. Nous sommes déjà presque des locaux et on a nos petites habitudes : petit déj’ à l’hôtel, crème solaire de peau fragile, téléphone à notre chauffeur, et hop ! Direction l’aventure !
Cette fois, on décide de se rendre vers le Nord du Nakhitchevan pour aller admirer le lac Batabat, situé juste de l’autre côté de la montagne séparant l’Azerbaïdjan de l’Arménie. Notre chauffeur nous indique une source d’eau très fraîche, réputée dans la région. Plusieurs touristes locaux sont également sur place mais aucun ne reste bien longtemps, et encore moins pour faire le tour du lac, idée qui semble somme toute saugrenue pour un esprit azerbaïdjanais. On assume notre statut de touriste étranger et on entreprend un grand tour du site (que faire d’autre ?) et, à notre retour, un monsieur nous offre gentiment un moment d’hospitalité : thé, noix et miel de sa propre production. C’est une pause bucolique (et savoureuse) que tout le monde apprécie. D’ailleurs on repart tous avec notre pot de miel du Nakhitchevan 🙂







Notre deuxième activité prévue cette journée là s’avère être une expérience vraiment étrange que je ne vous recommande pas forcément. En effet, l’un des sites connus de la région s’appelle « Duzdal« , ou en français la montagne de sel. Prometteur, n’est ce pas ? Alors, peut être qu’on a pas bien compris, sûrement qu’on s’était mal renseignés, mais on ne s’attendait pas du tout à découvrir en réalité un sanatorium effectivement creusé dans une montagne de sel. Après, en soit, c’est intéressant comme visite, mais le centre est actif et vous vous retrouvez rapidement à déambuler parmi les enfants et personnes âgées malades venus ici soigner leurs infections pulmonaires, leur asthme et autres infections respiratoires ! Maintenant on comprend mieux pourquoi notre chauffeur trouvait bizarre de nous amener là !


Après toutes ces aventures, c’est déjà l’heure de rentrer à l’hôtel et de préparer nos affaires avant de rentrer à Bakou. Finalement, que conclure de notre séjour dans l’exclave azerbaïdjanaise ? C’était un séjour un peu dépaysant de l’Azerbaïdjan que l’on connaissait et surtout de Bakou, même si, au final, ça reste quand même le même pays. Loin du tourisme de masse, je pense que le Nakhitchevan saura vous conquérir et puis, surtout, si vous avez des contacts, n’hésitez pas à vous rendre dans les villages qui à mon avis vous offriront une expérience encore plus locale !



Au revoir Ararat !
Merci pour votre lecture ! Alors, le Nakhitchevan, ça vous tente ? Laissez vos impressions en commentaires 🙂 Et si vous souhaitez d’autres informations (notamment le numéro de notre chauffeur) n’hésitez pas à m’écrire.
À bientôt pour de nouvelles découvertes azerbaïdjanaises 🙂


